Voici un témoignage qui m’a été transmis et que je vous partage.
Le baiser de Jésus
Après avoir appris la décision du Saint-Siège de reconnaître le professeur Jérôme Lejeune « vénérable », nous avons reçu un très beau et fort témoignage que nous voulons partager avec vous.
Là encore, l’Esprit Saint nous offre d’entrer dans un des mystères du rite de la messe avec la pratique pour le prêtre de baiser l’autel.
Mais il nous donne aussi un magnifique exemple de manifestation du lien affectif, presque charnel, avec Jésus, qui a choisi de se manifester dans une relation d’affection avec un jeune garçon atteint par la trisomie.
Je vous invite donc à contempler ces petites merveilles dont le témoin était un tout jeune prêtre espagnol malheureusement décédé dans un accident domestique à Madrid récemment.
Six mois après avoir été ordonné, mon évêque m’a envoyé diriger une paroisse; J’ai dû remplacer un curé qui était là depuis plus de 30 ans, j’ai donc constaté la non-acceptation des habitants de ce lieu.
La tâche était ardue mais fructueuse et je n’aurais pas eu autant de fécondité sans l’aide d’un petit garçon nommé Gabriel… Le protagoniste de cette histoire.
La deuxième semaine après mon arrivée là-bas, un jeune couple avec leur petit fils très spécial (trisomique) m’a présenté. Ils m’ont demandé de l’accepter comme enfant de chœur. J’ai pensé à le rejeter, non pas parce qu’il était un enfant avec des capacités différentes mais à cause de toutes les difficultés avec lesquelles j’ai commencé mon ministère à cet endroit, mais je ne pouvais pas dire non, parce que quand je lui ai demandé s’il voulait être mon enfant de chœur, il ne m’a pas répondu, mais Il m’a serré autour de la taille. Quelle façon de me convaincre…
J’ai pris rendez-vous pour le dimanche suivant 15 minutes avant l’Eucharistie et il était là ponctuellement avec sa soutane rouge et sa roquette que sa grand-mère avait fait à la main pour l’occasion.
Je dois ajouter que sa présence m’a amené plus de paroissiens parce que ses proches voulaient le voir faire ses débuts dans son rôle de garçon de chœur. J’ai dû préparer tout le nécessaire pour l’Eucharistie. Je n’avais pas de sacristain ni de sonneur de cloche donc j’ai dû courir d’un endroit à un autre, et ce n’est qu’avant le début de la messe que j’ai réalisé que Gabriel ne savait pas comment aider à la messe; en raison de la précipitation du temps, il m’est venu à l’esprit de dire :
«Gabriel, tu dois faire tout ce que je fais, d’accord…?
Je ne lui aurais jamais dit, un enfant comme Gabriel est l’enfant le plus obéissant du monde, alors nous avons commencé la Célébration et quand nous avons embrassé l’autel, le petit y est resté attaché; Dans l’homélie, j’ai vu que les paroissiens souriaient en leur parlant, ce qui rendait mon jeune cœur sacerdotal heureux, mais je me suis ensuite rendu compte qu’ils ne me regardaient pas mais à Gabriel qui essayait toujours d’imiter mes mouvements. Bref, un des détails de cette première messe avec mon nouveau garçon de chœur.
Quand j’ai fini, je lui ai dit quoi faire et quoi ne pas faire et entre autres, je lui ai dit que l’autel ne pouvait être embrassé que par moi. Je lui ai expliqué comment le prêtre rejoint le Christ dans ce baiser. Il me regarda de ses grands yeux interrogateurs sans bien comprendre l’explication que je lui donnais… Et, sans fermer la tête à ce qu’il pensait, il me dit: « Allez, je veux l’embrasser aussi…». Je lui ai encore expliqué pourquoi… Finalement, je lui ai dit que je le ferais pour nous deux. Il semblait qu’il avait été satisfait.
Mais le dimanche suivant, en commençant la Célébration et en embrassant l’autel, j’ai vu comment Gabriel posait sa joue dessus et ne quittait pas l’autel avec un grand sourire sur son petit visage.
J’ai dû lui dire d’arrêter de faire ça. À la fin de la messe, je lui ai rappelé:
«Gabriel, je t’ai dit que je l’embrasserai pour nous deux.
Il a répondu: « Père, je ne l’ai pas embrassé. Il m’a embrassé… ».
Sérieusement je lui ai dit: « Gabriel, ne joue pas avec moi… » Il a répondu: « Vraiment, il m’a rempli de bisous !! ».
La manière dont il me l’a raconté m’a rempli d’une sainte envie; En fermant l’église et en disant au revoir à mes paroissiens, je me suis approché de l’autel et j’ai posé ma joue dessus en demandant: « Seigneur… embrasse-moi comme Gabriel. »
Cet enfant m’a rappelé que l’œuvre n’était pas la mienne et que gagner le cœur de ces personnes ne pouvait être que grâce à cette douce intimité avec le seul prêtre, le Christ.
Depuis, mon baiser à l’autel est double car toujours après l’avoir embrassé je mets ma joue pour recevoir son baiser. Merci Gabriel!
Rapprocher les autres du mystère du Salut nous appelle à vivre notre propre rencontre. Comme moi, avec mon cher maître de chœur Gabriel, j’ai appris que : Avant d’embrasser l’autel du Christ… je dois être embrassé par Lui !
« Seigneur Jésus, fais-nous ressentir tes baisers chaque jour pour que nos cœurs n’aient plus besoin d’amour, car tu remplis tout… »
Père Ruben Perez de Ayala,
jeune prêtre de 36 ans,
mort dans l’explosion d’un immeuble à Madrid
©mcr-février 2021